Peu importe le sens et les moments de la vie, la nature m’est toujours source de recueillement, d’énergie et de nourriture spirituelle. La force et la présence silencieuse des arbres m’inspirent, me réconfortent et me procurent vitalité, stabilité et paix. Parfois, devant les laideurs de notre monde, je rêve d’être un arbre.
Mon implication professionnelle m’a amenée à considérer les autres champs artistiques comme forme d’expression. Le mouvement et le rythme des danseurs m’ont toujours attirée ; ils rejoignent ma vision de la création textile. Ils ont inspiré une série de scènes photographiées, notamment des danseurs contemporains, en pleine action.
C’est avec mes premières créations utilisant les nouvelles technologies de tissage Jacquard qu’est apparue de façon plus tangible cette influence. Dès 1997, j’ai réalisé une vingtaine d’œuvres textiles dont le sujet était la danse et plus particulièrement le mouvement, la lumière et les textiles présents dans les œuvres chorégraphiques que j’ai choisies. Les différents chorégraphes et photographes que j’ai contactés pour pouvoir réaliser ce projet et pour obtenir les droits d’utilisation de leurs images ont été enthousiasmés par mon projet et m’ont permis d’échanger avec eux et de comprendre davantage le travail du danseur et du chorégraphe, par exemple.
Par la suite, j’ai voulu y intégrer davantage mes propres photographies. (La photographie prenant une place de plus en plus importante dans mes recherches artistiques.)
En 2002, j’ai voulu revoir mes recherches sur les effets de la lumière et de la couleur en tissage – en me rapprochant du pointillisme dans l’œuvre de Seurat. J’ai d’abord réalisé L’Été indien, puis, quelques années plus tard, une étude coloristique à partir de mes photos dont le sujet était l’étude de la lumière en différentes saisons: C’est l’hiver, Le Printemps et Enfin l’été ont complété cette série.
Après cette série sur les saisons, c’est une nouvelle série Coexistence qui est née. Étant préoccupée par la nécessaire coexistence harmonieuse de la nature, des hommes et des femmes, du bâti, et des artistes, j’ai voulu faire coexister dans une même œuvre des images représentant différentes composantes de notre vécu. Des œuvres, telles que Réflexion, Énergie, Lumière de la ville, Ma forêt, ma cathédrale, Solstice, ont vu le jour.
En 2011, j’ai repris cette approche de coexistence de la nature et des hommes et des femmes pour réaliser une nouvelle série sur la danse contemporaine montréalaise, des œuvres tissées avec des fils de métal intégrés aux fils de chaîne et de trame, afin de pouvoir les installer comme des bas-reliefs lors d’expositions.
Mon œuvre Le dernier déjeuner sur l’herbe atteint, à mon humble avis, un sommet dans cette quête d’intégration des arts à la vie. On y retrouve représenté d’une façon ou d’une autre le travail d’un chorégraphe (Fernand Naud), d’un photographe (Ronald Labelle), de deux artistes (Da Vinci, Manet), d’un auteur (Dan Brown), sans oublier les treize danseurs, et finalement mon propre travail (photographie, traitement d’images et création textile). En ce sens, cette œuvre tient lieu de synthèse d’un certain nombre de mes expériences ; elle est un manifeste pour l’art, la vie, et l’intégration.
Le travail de création pour réaliser cette œuvre m’a tellement motivée et inspirée qu’elle a fait des petits – en effet, trois nouvelles œuvres ont vu le jour : Un grand questionnement, Hommage à Joseph-Marie et Leonardo et Le Cantique des Cantiques. Chacune à leur façon a questionné ma relation avec l’histoire, l’art et la religion.
Lorsque j’ai été invitée à participer en tant qu’artiste à la Biennale du lin de Portneuf de 2007, j’ai proposé une œuvre monumentale installée dans l’église de Deschambault. Le thème choisi fut Aimez-vous les uns les autres. Sont mises en scène des personnes venant de milieux très différents les uns des autres, accouplées dans un décor naturel ou architectural. S’est ajoutée à l’œuvre textile, une trame musicale inspirée du poème le Cantique des Cantiques.
Depuis le début de ma démarche, j’ai développé une approche particulière qui, à l’aide des outils informatiques, allie mes recherches textiles (tactiles) et les principes théoriques des structures du tissage comme élément potentiel de design. Indissociable à cette longue et inépuisable recherche, j’ai développé une maîtrise de l’interrelation de tous les éléments qui composent une création textile.
Je m’intéresse aux qualités formelles des matériaux, au potentiel technologique des théories et des équipements que j’utilise. Je m’appuie continuellement sur les textiles eux-mêmes pour découvrir de nouvelles directions afin de raffiner, développer et explorer les processus. Mon travail textile est donc, grâce à l’ordinateur, un essai, un essai qui me permet d’articuler mes créations qui sont à la fois physiques, tactiles et visuelles.
Mes œuvres sculpturales tout en fils de métal sont en contraste évident avec la chaleur strictement textile de mes œuvres réalisées au métier jacquard, à partir de photographies. Contraste aussi entre l’abstrait et le figuratif. Contraste issu de ma passion pour le tissage.